Gellé Frères : le réveil de la belle endormie
Avec la Maison Gellé Frères, Simon Ménard s’attaque à l’histoire de la parfumerie française. Une marque patrimoniale, née en 1826, soit deux ans avant la prestigieuse Maison Guerlain. Mais contrairement à sa cadette, Gellé Frères a connu une histoire mouvementée. L’heure du réveil a sonné. Un réveil savamment orchestré par Simon Ménard.
Lorsqu’on lui demande pourquoi ne pas avoir créé une nouvelle marque et s’être attaqué à une maison existante, Simon Ménard ironise : « mon père était antiquaire, c’est sans doute la raison pour laquelle j’aime les choses anciennes !». Et de fait, en choisissant Gellé Frères, Simon Ménard s’attaque à une très grande dame, âgée de plus de 200 ans. Passionné, il est lui-même parti en quête de la belle endormie : « depuis les années 1970, Gellé Frères était sous-exploité et réalisait exclusivement des produits à destination d’instituts de beauté. La marque n’était pas à vendre, mais j’ai fait une proposition ». Proposition acceptée en 2014. Avec la marque, il devient également propriétaire du fond d’archives Gellé Frères et des formules qui, jadis, ont fait la renommée de la Maison. Il lui faudra un peu plus de deux ans pour lancer la nouvelle collection et ouvrir les portes de son magasin parisien, avenue de l’Opéra, non loin de l’ancienne résidence royale du Palais du Louvre.
Le parfumeur des reines
Il faut remonter à l’époque de la régence de Marie-Antoinette pour saisir les racines de Gellé Frères. Parfumeur officiel de la cour de Versailles, Jean-Louis Fargeon élabore des gants parfumés et compose des eaux légères à la rose, au lys, à la violette, à l’œillet et au jasmin, sur commande de Marie-Antoinette. En 1826, Jean-Baptiste et Augustin Gellé héritent des formules du maître parfumeur. Alors que la cour de France vit ses derniers instants, les deux frères décident de proposer à la vente les produits de toilette de Marie-Antoinette. Le best-seller de l’époque : Trianon, une senteur très royale, dotée d’un argument marketing de taille : le flacon contient toutes les senteurs du célèbre jardin de la reine. C’est dans cette lignée que veut désormais s’inscrire Simon Ménard, qui, au travers des cinq nouvelles créations entend célébrer la reine qui sommeille en chaque femme. « Queen Next Door » est le nom donné aux cinq nouvelles fragrances. Dans les années 1910, Gellé Frères innove encore et s’entoure d’égéries, à l’instar de Mistinguett, de la Belle Otéro ou encore de Lina Cavalieri. « Un choix extrêmement audacieux pour l’époque. En effet, ces femmes étaient souvent considérées comme des filles de mauvaise vie ! », commente Simon Menard. Là encore, l’entrepreneur conserve les mêmes codes, tout en les revisitant : « aujourd’hui tout le monde peut accéder à la médiatisation. Pour représenter les cinq parfums de reines, j’ai donc choisi de faire appel à cinq bloggeuses, égéries de la Maison ». Une version 2.0 de l’artiste qui dorénavant sévit exclusivement via Instagram et YouTube.
Savoir-Fleur et Innovation
Loin de se reposer sur les acquis de la Maison, l’entrepreneur innove. Pour ce faire, il s’est entouré de femmes, des reines du quotidien à l’instar de la décoratrice Margaux Keller qui a imaginé un écrin poudré pour la boutique de l’avenue de l’opéra, ou encore de l’olfactothérapeute Alina Moyon qui planche sur les formules. « Je reste convaincu que les parfums sont des boosters d’émotions et que les senteurs ont une influence sur nos humeurs et nos comportements », explique l’entrepreneur qui commercialisera prochainement des « Queen Booster », des rolls on à porter selon ses humeurs et ses envies. Autre innovation de taille : les parfums sont réalisés par le biais de micro-encapsulation, une technique qui permet de faire durer les senteurs sans nécessiter l’ajout d’alcool. Résultat : les créations Gellé Frères peuvent se porter sur la peau et les cheveux, par toutes températures.
Cap sur l’Asie
Si Simon Ménard a choisi le centre de Paris pour l’ouverture de sa premières boutique, l’entrepreneur ne cache pas son envie d’Asie. Déjà, Gellé Frères est distribué en Chine, dans cinq départements stores. Objectif affiché : exporter le savoir-fleur français en Chine et au-delà avec une même conviction : booster les émotions des reines. « Marie Antoinette est la première reine que Gellé Frères a servie. Aujourd’hui, nous souhaitons servir la reine qui sommeille en chaque femme », détaille Simon Ménard avant de conclure : « finalement, ce qui rend une femme belle, ce n’est pas sa beauté, mais son aura ».