J.F. Rey, inclassable lunetier
Excentricité et innovation sont les signes distinctifs des lunettes J.F Rey. Depuis 1995, la marque exporte ses créations sur quatre continents. Retour sur une success story, made in Marseille.
La cité phocéenne, il ne l’a pas vraiment choisi. Jean-François Rey est arrivé là « par hasard », il y a maintenant plus de trente ans et n’en est jamais reparti. Pour expliquer sa sédentarisation il convoque sans hésiter « la lumière de la ville, si unique ». Aucun de ses voyages en Asie ou en Amérique du nord ne lui a offert pareil ensoleillement. Alors Marseille, malgré ses petits désagréments quotidiens, il y reste.
Lorsqu’il lance sa marque éponyme, Jean François Rey a pour idée de concevoir des lunettes décomplexées, politiquement incorrectes et résolument avant-gardiste. Vingt ans après, les codes n’ont pas changé. Dans ses locaux marseillais, une dizaine de designers s’affairent à concevoir les modèles de demain. La R&D reste le premier poste de dépense du groupe. Aux commandes, de jeunes graphistes designers recrutés à la sortie de l’école. «A l’époque tous étaient ignorants des codes du secteur », se souvient-il avec amusement. Il leur enseigne les exigences techniques du produit et laisse ensuite libre cours à leur imagination. Les premiers modèles rencontrent rapidement leur public. En 2000, soit cinq après la création du groupe, 100 000 unités sortent chaque année de ses usines. La croissance se poursuit jusqu'à atteindre 400 000 paires à l'heure actuelle. Si aujourd’hui le groupe poursuit son développement, pas question de se lancer dans une croissance effrénée : « avoir besoin de cash-flow peut être très pénalisant pour un entrepreneur. Pour pouvoir grandir, il faut des bases financières solides ». Un enseignement qui lui vient de son expérience passée : en 1981, il lance sa première marque de lunettes solaires et optiques et fait entrer des investisseurs au capital. En 1991, il décide de quitter le partenariat.
Pour l’heure, le capital de J.F. Rey est détenu à 100% par les membres de sa famille. Malgré les tentatives d’approche d’investisseurs, il reste prudent. Depuis 2014, le chiffre d’affaires annuel du groupe talonne les 20 M €. Un résultat que l’entrepreneur juge « satisfaisant, mais bien en deçà de la croissance à deux chiffres que nous avons connu il y a cinq ou six ans ». En cause, la croissance dans les nouveaux marchés - Europe de l’Est en tête - stoppée nette par la crise économique. Pas question pour autant de s’avouer vaincu, Jean-François Rey est un homme de terrain. Tous les mois, aidé de ses commerciaux, il reprend son bâton de pèlerin pour présenter ses modèles aux quatre coins de la planète. Dans les salons professionnels, à Paris, où ses modèles ont été distingué en remportant le SILMO d’or dans la catégorie lunetier, et également en Italie, en Asie et aux Etats-Unis.
Mais c’est aussi au contact des villes qu’il flaire les tendances et anticipe la demande. Si sa boutique new yorkaise engrange le plus grand nombre de ventes, c’est parce qu’il a su répondre aux attentes locales, analyse-t-il : « A New York, les clients aiment les modèles discrets ». Pas question d’exposer les créations les plus extravagantes qu’il réserve à l’Europe, à l’Asie et au Proche-Orient.
La grande majorité des modèles sont fabriqués dans l’usine du Jura, propriété du groupe. Seule une petite partie de la production provient du Japon, « ils sont les seuls à maitriser la technologie du titane et à offrir un tel niveau de technicité », détaille l’entrepreneur. Quant à la Chine, il a bien été obligé d’y sous-traiter une partie de sa production, mais uniquement sur les collections destinées aux grandes chaines. Des produits « en blancs », qu’il revend aux opticiens qui y accolent ensuite leur marque et qui représentent 20 % de son activité. Les autres modèles siglés J.F. Rey cultivent le savoir-faire artisanal made in France. En boutique, les prix varient entre 250 et 350 €. Du solaire aux lunettes optiques, c’est l’originalité qui prime. Parmi les fiertés du créateur : la collection solaire « reines » qui décline fleurs de Lys colorées sur les branches et sur les verres, avec un petit clin d’œil à l’Histoire, le modèle « Marie Stuart », couleur rouge sang.