Parfums en chef
Dans une jolie cour ancienne en pierres apparentes à Saint Vigor-Le-Grand, Basse-Normandie, se trouve le Restaurant Le Quarante-neuf. Snobismes a eu envie d’en savoir plus sur son chef, Céline Legrand, ancienne étudiante à l’école Ducasse de Paris qui, après un parcours professionnel qui l’a emmené aux plus hauts niveaux des grandes entreprises, a choisi de se réinventer totalement. Retour sur un parcours pas comme les autres.
Quel a été votre parcours avant de devenir chef ?
J’ai un bac en Bio Chimie auprès de l’Ecole Nationale de Chimie et Biologie de Paris et j’avais prévu de faire deux ans à la fac afin d’entrer à l’ISIPCA pour travailler dans le domaine de la parfumerie, qui m’a toujours fasciné. Mais, comme cela arrive souvent, la vie m’a obligé à emprunter un autre chemin. Après le bac, j’ai commencé travailler dans une grande entreprise. J’ai fait beaucoup de formation et je suis devenue Ingénieur en Organisation Industrielle, Analyste Financier, Directeur Marketing Commercial, Business Analyste et Market Spécialiste, et après ma dernière formation, Expert en Statistique Appliqué à la Finance.
Quelle place avait alors la cuisine dans votre vie ?
J’avais un métier très prenant, je ne cuisinais donc que le week end, pour des amis. A chaque fois, ils me disaient que j’aurais dû ouvrir un restaurant ! Il y a trois ans mon entreprise a été restructurée. C’est alors que j’ai eu le temps de me poser les bonnes questions. J’ai fait un business plan, une analyse de marché et je suis tombée amoureuse de cette maison. L’aventure pouvait alors commencer !
Vous avez été formé à l’Ecole Alain Ducasse ? Est-ce une formation exigeante ?
C’est une formation très difficile. Les cours débutent à 7h00 du matin et se terminent aux alentours de 18h. Chaque semaine, les élèves travaillent sur un thème différent : les légumes, les viandes, les sauces, la pâtisserie. C’est fatiguant, mais ce n’est rien à côté de la vraie cuisine ! Nous avons beaucoup pratiqué chez Ducasse. A la fin de chaque semaine, nous devions présenter un plat au chef formateur qui nous évaluait. Il fallait que ce soit joli, bien mis en forme et, évidemment que ce soit bon ! Le chef formateur délivrait ensuite des notes et livrait ses conseils nous permettant de nous améliorer. La formation se déroule en petit comité : une dizaine par formation ce qui permet de créer des liens forts entre élèves. Il y avait d’ailleurs des élèves venant d’horizons très divers, tous animés de la passion. Je dirai que c’est aussi une belle expérience humaine qui permet de rencontrer des gens que nous n’avons pas l’habitude de croiser tous les jours.
Appliquez-vous le principe de naturalité prôné par Alain Ducasse ? De quelle façon ?
L’Ecole Alain Ducasse apprend aux élèves à sublimer le produit. J’ai ainsi découvert le goût des produits. Auparavant, je faisais la cuisine comme ma maman me l’avait appris, en regardant dans les livres. Ce que Ducasse apprend dans sa formation c’est que chaque légume, chaque viande, chaque élément d’une recette a son mode de cuisson. Ce mode de cuisson, spécifique à chaque produit, permet de révéler le meilleur des aliments. C’est la raison pour laquelle je cuis aujourd’hui chaque légume séparément. Un client espagnol m’a d’ailleurs récemment dit : « ici les légumes ont le goût des légumes ! ». Idem pour les sauces, que je réalise par réduction et sans adjonction de farine.
Quel produit aimez-vous le plus travailler ?
Les légumes, sans hésiter !
Quelle réflexion initiale à la création d’un plat ?
Je pars toujours des légumes ! Je vais au marché de Bayeux le samedi et j’achète les légumes de saison de très grande qualité. C’est en fonction de ces légumes que je construis mon plat.
Quel sens vous permet de tester vos plats : le goût, la vue ou l’odorat ?
C’est une très bonne question ! Au départ, je goûte. Ensuite Christophe, mon mari, goûte également. Si nous aimons tous les deux, cela signifie que l’accord est harmonieux. Cependant, pour que une assiette soit aboutie, il faut au moins deux semaines. Car le goût n’est pas le seul élément à prendre en compte. Il y a également la vue et bien sûr l’odorat que je travaille à partir d’herbes qui apportent senteur et odeur dans la cuisson et dans le plat
Quel lien entre cuisine et parfums ? Quel est votre parfum préféré ?
En cuisine, le parfum que j’aime le plus est celui de la sauce de viande le matin qui sent bon et embaume même la cour de la maison. Coté perso, mon parfum coup de cœur - que j’aime depuis mes 18 ans - est Yendi de Capucci. Une fragrance impossible à retrouver aujourd’hui ! Aujourd’hui, je porte 1881 pour femme.
Votre snobisme préféré ?
Peut-être les chaussures ! Avant je m’en achetais énormément et en plus, comme j’avais la chance de voyager un peu partout, j’en achetais en Italie, en Espagne, vraiment partout. A chaque voyage je revenais avec une paire de chaussures différente, toujours à hauts talons. Je mettais du 12 centimètre minimum et je courais après les trains et les avions avec ma valise. Aujourd’hui encore, lorsque je trouve une belle paire de chaussures, je craque !
Auberge Restaurant Le Quarante neuf - Saint Vigor le Grand